Ce qui suit était censé être le paragraphe de conclusion des trois articles (1, 2, 3) décrivant le document de M. Hoens, administrateur-général de la SNCV. Il était devenu un peu trop long pour être ajouté ; de plus, son contenu étant plutôt mon opinion personnelle, je l’ai séparé de la série principale.

Étant un amateur de trams et passionné par l’histoire, je regrette que cette belle infrastructure ait été supprimée, compte tenu de son importance pour connecter notre région et notre population aux villes de Leuven, Tienen et Jodoigne, ainsi qu’à leurs pôles industriels (Vaart, sucrerie, construction, foresterie, etc.). Je regrette également que les terrains aient été, pour la plupart, revendus.

Cependant, regretter ne signifie pas nécessairement reprocher. En lisant le document de M. Hoens, j’ai réalisé qu’on ne peut pas blâmer ces personnes d’avoir pris des décisions basées sur les informations qu’elles avaient à l’époque. Surtout lorsque l’on considère les pertes annuelles considérables de l’après-guerre, on commence à comprendre qu’une action était nécessaire. En euros actuels, il s’agissait d’environ 1,7 million d’euros de perte par an, rien que sur la ligne Leuven-Jodoigne.

Quand on apprend que la vente du matériel et de l’infrastructure (le fer des rails et des ponts) a permis d’acheter des autobus pour desservir cette ligne, on réalise que cette décision n’était pas si difficile et qu’elle témoigne d’une bonne gestion des fonds publics. Il est bien sûr nécessaire de reconnaître l’impact que le tram a eu sur notre région, ce que M. Hoens fait également. Cependant, il est clair que l’objectif initial de la construction (le transport de marchandises ET de passagers) n’était plus rentable.

Ce n’est qu’en consultant les archives du musée du tram que j’ai pris conscience de l’importance du transport de marchandises par ce tram. Lorsque ce trafic a fortement diminué (comme le mentionne le document de M. Hoens), l’exploitation est devenue très déficitaire, alors qu’elle ne l’était pas dans le passé. Une évolution de la société et l’apparition d’autres moyens de transport, comme le camion, ont rendu le tram obsolète. Je regrette, mais je comprends.

Il y a toutefois un point sur lequel je me permets de garder une option de reproche : la vente des terrains. Avec ce que nous savons aujourd’hui, ces terrains auraient pu devenir d’agréables pistes cyclables (des plans de pistes cyclables existaient déjà en 1920!) ou pourquoi pas, des pistes pour bus en site propre qui auraient pu éviter des embouteillages. Il y avait certainement une raison pour laquelle les communes, actionnaires de la SNCV, ont vendu ces terrains, mais je garde ma conclusion définitive pour après une consultation des documents dans les archives du Musée du Tram. Les documents pour cette période n’étaient pas disponibles sur le site du Musée à Anvers, faute de place.

DALL·E Une scène nostalgique des années 1950 dans un petit village rural européen. A gauche, un vieux tramway couleur crème, patiné et visiblement au bout de son
Image généré par l’IA (DALL-E 3)

Finalement, des âmes nostalgiques évoquent parfois l’idée de remettre le tram en service. Croyez-moi, je ne suis pas contre. Nous en avons discuté un jour à la maison, et la réaction de mes enfants me donne confiance pour l’avenir. L’un disait : « On va mettre ça où ? », l’autre : « Et qui va payer ça ? ». À cela, j’ajouterai que, d’après les documents que j’ai partagés ici depuis quelques mois, un tram rural avec un coût d’infrastructure très élevé ne survivra que s’il y a suffisamment de transport de marchandises, et pas seulement de passagers.

Il est vrai qu’on peut envisager différentes solutions pour le transport de marchandises. Cependant, la réalité, aussi regrettable soit-elle, est que dans notre société, le transport est largement organisé autour de camions provenant d’entrepôts situés dans des zones industrielles (distribution, poste, colis, etc.). On peut imaginer que tout ce trafic pourrait potentiellement se faire via le tram, mais cela nécessiterait une réflexion bien au-delà de notre commune, voire de notre région ou même de notre pays. Entretemps, je n’ai aucun souci à continuer de rêver, même si les deux remarques assez spontanées de mes enfants me semblent essentielles à garder aussi en tête…

4 réponses à « Le Tram d’Hier à Aujourd’hui : Réflexions »

  1. Avatar de Yves-Laurent Hansart
    Yves-Laurent Hansart

    J’abonde dans votre sens. Et l’histoire se répète. Car sur des corridors de chemin de fer, autrefois importants, même aujourd’hui, on hésite pas à revendre des terrains.

    Alors qu’à terme, je pense que le transport de masse redeviendra important. Et la rentabilité est un facteur très étrange. En matière de rail , on « choisit » presque ce que sera la rentabilité (pour les concessions modernes), et à l’époque, à l’inverse, on était sur des chiffres bruts qui ne tenaient pas compte de centaines d’impacts (disponibilité d’un transport public, emploi, surveillance et présence d’agents du rail, accessibilité de certains villages … Bref, les chiffres, rien que les chiffres. 50 ans plus tard l’un ou l’autre village éloigné se plaint de fermer ses écoles, on n’a plus de lisaison avec les grandes villes, certains villages ont 1 à 2 bus par jour (parfois par semaine), le tourisme est en général grand gagnant dans les villes qui ont gardé une lisaison… Bref, les chiffres d’un côté, la réalité des régions de l’autre.

    Enfin, il faut voir les quelques endroits qui ont conservé ces liaisons « vicinales » (chez nous, secondaires chez d’autres, …) et constater les merveilles que sont des anciens chemins de fers aujourd’hui, des lignes dynamiques qui assurent une liaison fiable avec soit une ville proche, soit une ligne de train … Mais pas chez nous. C’est surtout en Suisse et quelques exceptions en Europe que l’on trouve les descendants de ces secondaires, et aujourd’hui c’est un atout.

    1. Avatar de Bruno Van de Casteele
      Bruno Van de Casteele

      Merci M Hansart. Je ne suis peut-etre pas d’accord avec tout ce que vous dites, mais j’aime bien lire vos arguments. In fine, je pense que vous avez raison, un transport de masse (qui ne sera p-e pas le tram?) sera important. Au niveau transport de passagers je pense que vos arguments sont valables. Et peut-etre il faut oser chercher un « business case » transport marchandises?

      1. Avatar de Yves-Laurent Hansart
        Yves-Laurent Hansart

        Ha les marchandises. Ce secteur a tellement évolué. Je doute. Il y a quelques survivants, il y a quelques histoires temporaires de marchandises par tram, mais la route a tout rendu tellement simple que j’imagine difficilement un retour. Espérons ! 😉

  2. […] que cela veut dire que M Goens n’avait pas raison ? Non, dans un sens et comme j’ai dit dans mon article plutôt personnelle, on ne peut pas reprocher d’avoir pris des décisions selon l’information disponible à ce […]

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